ACP


« Erreur historique ». C’est ainsi que le Réseau des organisations paysannes et de producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), partenaire de SOS Faim, qualifie l’Accord de partenariat économique (APE) récemment signé entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest. Mais la société civile ouest-africaine ne s’avoue pas vaincue et prévoit d’intensifier sa résistance contre l’Union européenne et « ses APE ».

Hérités de la première Convention de Lomé (1975), des mécanismes permettaient que 97% des exportations en provenance des pays ouest-africains entrent dans l’UE en franchise de droits, soit sans payer de taxes. L’incompatibilité de ces mesures avec les règles de l’OMC, ont, dès le début des années 2000, entrainé l’ouverture de négociations entre l’Union Européenne et seize pays d’Afrique de l’Ouest en vue de développer le libre-échange. Première anomalie : c’est la direction générale du commerce de la Commission, et non par celle du développement et de la coopération, dont relevaient les conventions de Lomé, qui ont négocié pour l’Union européenne. Les gouvernements africains ont résisté pendant 14 ans, avant de céder cet été malgré l’opposition de leurs opinions.

« Cet accord est conclu à un moment décisif pour l’Afrique de l’Ouest qui est la première région de croissance dans le monde et dont les échanges avec l’Europe sont décroissants (d’environ 40% en 2007 à environ 20% en 2013) et cette tendance baissière continuera dans les années à venir», explique le communiqué du ROPPA qui ajoute : « Dans cette région du monde, la construction de l’intégration régionale produira un gain de productivité, une hausse des exportations et une croissance économique sans précédent (…). Ce qui est en cause, c’est la destruction programmée des efforts d’intégration régionale qui sera consacrée par les APE grâce à un effet massif de détournement du commerce régional vers l’Europe à travers entre autre, la forte subvention des produits agricoles déversés sur les marchés d’Afrique de l’Ouest dans le cadre du plus grand dumping de notre histoire. C’est notre espérance d’un monde meilleur qui est menacée. Malheureusement, notre région a commis l’erreur historique la plus grave de son existence en signant un accord qui n’est ni bénéfique pour elle à court, moyen et long terme, ni bénéfique pour l’Europe sur le long terme. »

sac riz

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Bloquées depuis plus de 10 ans, les négociations du partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP)  ont connu une reprise inattendue début 2014. Mais les pays les moins avancés n’en sortiront pas gagnants.

Le compromis survenu fin janvier entre  la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et  l’UE relance la négociation en vue de parvenir à une signature des accords d’ici le 1er octobre 2014, date butoir à laquelle les APE doivent remplacer les préférences commerciales non réciproques accordées par l’UE à ces pays  depuis l’accord de Cotonou de juin 2000. Au-delà de cette date, les pays n’ayant pas finalisé les négociations avec l’UE se verront privés de l’exemption de droits de douane et de quotas aux exportations vers l’UE dont ils profitent actuellement et basculeront vers un régime moins avantageux, alors même que l’OMC a accordé une dérogation permettant de prolonger la situation préférentielle accordée aux pays en développement. Mais l’UE a refusé de réitérer sa demande de dérogation auprès de l’OMC et pousse les pays ACP à conclure les négociations.

Malgré quelques menues avancées concédées par l’UE (dont le retrait de la clause de la nation la plus favorisée, qui empêche l’UE de s’assurer que les pays ACP ne pourront conclure d’accords commerciaux plus avantageux avec d’autres pays développés, ou concernant le degré d’ouverture des marchés de la CEDEAO aux exportations européennes à hauteur de 75 % sur une période de 20 ans au lieu des 80 % initialement exigés par l’UE), l’Afrique de l’Ouest a du renoncer à sa demande de fonds additionnels destinés au développement économique qu’elle estimait à 15 milliards d’euros à titre de compensation de l’impact négatif que les APE feront peser sur les économies nationales.  « L’UE s’est engagée sur 6,5 milliards, mais ce ne sont pas des fonds additionnels », explique Cheik Tidiane Dieye, directeur du Centre africain pour le commerce, l’intégration et le développement.

Les PMA perdantsImage

Pour les pays les moins avancés (PMA) qui disposent d’un accès total et sans réciprocité au marché européen, armes mises à part, les accords de partenariat économique, refusés depuis 10 ans, restent une menace plus qu’une bonne nouvelle.

 « Dans la CEDEAO (plus la Mauritanie), 12 des 16 pays font partie des pays les moins avancés (PMA). Ces derniers vont devoir ouvrir davantage leur économie à l’UE, alors même que les règles de l’OMC ne l’imposent pas » souligne Cheik Tidiane Dieye. Outre les pertes conséquentes de recettes douanières pour les pays africains, la signature des APE entrainera un impact négatif également sur l’intégration régionale. Alors que l’UE s’obstine à présenter les APE comme des accords visant à développer l’intégration régionale, la société civile africaine, expliquent ses représentants, n’est pas dupe et la défiance à l’égard de l’UE se creuse : « Au lieu de favoriser l’intégration, les APE ont déstructuré la région », dénonce Cheik Tidiane Dieye. « Avec le Ghana et la Côte d’Ivoire qui avait signé des accords intérimaires, la situation était intenable », poursuit-il. « La Commission coupe les exécutifs africains de leur société civile », renchérit Christine Angela, présidente de la plateforme nationale des organisations de la société civile du Cameroun.

Alors, pourquoi les pays ACP envisagent-ils de signer ces accords? La question est posée par Kalilou Sylla, Secrétaire général du Réseau des Organisations Paysannes et de Producteurs Agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) : expliquant que les dirigeants ivoiriens, nigérians ou sénégalais ont besoin du soutien de l’UE pour renforcer leur légitimité, il affirme : « les accords seront signés pour la rentabilité politique à court terme. A long terme, cet accord sera négatif, y compris pour l’UE : la Chine et les BRIC vont être renforcés par le sentiment anti-européen… »

Marine Lefebvre

http://www.sosfaim.org

Du 2 au 4 décembre, s’est réunie à Kinshasa l’Assemblée parlementaire paritaire, lieu unique de débats, de réflexions et de formulation de résolutions, rassemblant des parlementaires européens et des parlementaires venus des 78 pays ACP. C’est aussi pour les uns et les autres l’occasion d’interpeller la Commission européenne ainsi que le Conseil des ministres européens et ACP sur les politiques partagées, quelles soient commerciales ou de développement. S’il est difficile de rendre compte de cette session en une page, on peut néanmoins pointer l’un ou l’autre élément. En marge des réunions officielles, Concord et certains de ses membres ont organisé comme toujours des rencontres destinées, pour les unes aux membres de la société civile du pays et pour les autres aux parlementaires et assistants de l’UE et des pays ACP. A chaque fois, il s’agit de présenter les positions de la société civile européenne sur les questions commerciales et de développement de l’Union européenne et de les mettre en débat .

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