Consacré à l’emploi, le rapport 2013 de la Banque mondiale (BM) sur le développement dans le monde met en avant le rôle déterminant de celui-ci en faveur du développement économique et social, et l’importance qu’il revêt pour le bien-être des populations et la réduction de la pauvreté. Il omet le fait que dans les pays du Sud, la pauvreté est d’abord un phénomène rural.

La BM souligne qu’au cours des quinze prochaines années, six cents millions de nouveaux emplois devront être créés pour absorber l’accroissement démographique de la population en âge de travailler, en particulier en Afrique et en Asie. L’intérêt de ce rapport est de mettre l’emploi au cœur des dynamiques de développement et de la lutte contre la pauvreté. Il suscite pourtant l‘interrogation des ONG et des organisations paysannes lorsqu’il décrète «qu’une économie se développe lorsque les compétences individuelles progressent, que les populations quittent les champs pour travailler dans les entreprises». Si nous pouvons être d’accord avec la première affirmation, la seconde nous interpelle. En effet, plus de trois cents millions de jeunes arriveront sur le marché du travail en Afrique subsaharienne dans les quinze prochaines années, soit presque l’équivalent de la population des États-Unis. Une majorité (environ deux cents millions) de nouveaux actifs vivront en zone rurale (chiffres du CIRAD). Les contraintes écologiques actuelles ne permettront pas de reproduire en Afrique le  scénario que nous avons connu en Europe (urbanisation – industrialisation – développement) aux XIXe et XXe siècles. Le secteur formel en Afrique n’a pas les capacités d’absorption de la croissance démographique. La tendance à l’urbanisation des populations africaines a lieu dans un environnement concurrentiel, sans tissu industriel.

«Faire fructifier notre terre» village Boborola (53)

Nous pensons dès lors que l’agriculture est un secteur stratégique pour la création d’emplois et que son développement ne peut se faire uniquement par des «solutions de marché » mais bien par des politiques publiques de soutien. Une première priorité est de renforcer les exploitations familiales car elles occupent la grande majorité des actifs agricoles. Elles représentent donc le plus fort potentiel de production et d’emplois. D’autres politiques de soutien sont possibles, comme le développement des filières vivrières, en particulier sur des marchés en croissance au niveau régional, notamment en Afrique de l’Ouest.  Contrairement à la BM, nous ne pensons donc pas que les ruraux doivent quitter les champs, cela ne ferait qu’amplifier l’exode rural et accroître les tensions en milieu urbain. Mieux, chaque fois qu’on leur offre une tribune, les leaders des organisations paysannes et autres associations  partenaires de SOS Faim propagent avec force la voix du monde paysan : «Nous n’avons pas d’autre voeu que de pouvoir exercer notre métier, faire fructifier notre terre et nourrir la population de nos pays, pourvu qu’on nous en laisse la possibilité. »

article basé sur l’éditorial de Défis Sud