Compagnie familiale qui trouve ses origines à la fin du XIXè. siècle au Congo belge, la SOCFIN (Société Financières des Caoutchoucs) s’est formellement constituée en 1973, accueillant dans son capital le groupe BOLLORE à partir de 1998. La SOCFIN est aujourd’hui une holding multinationale exploitant 181 000 hectares de palmiers à huile et de caoutchouc en Asie et en Afrique.

« Depuis sa création il y a plus de cent ans, la SOCFIN et ses filiales locales ont toujours agi dans le respect des lois des pays où elles s’implantent et en harmonie avec les communautés qui avoisinent ses installations », annonce un communiqué du groupe tâchant de répondre aux mouvements sociaux qui se développent autour de ses plantations.

La société civile, organisée au sein de l’Alliance Internationale des Riverains, pourrait-elle ne colporter que des rumeurs ?

Elles sont pourtant persistantes et argumentées, et donnent lieu à des actions de plus en plus déterminées: La création d’une alliance réunissant les communautés de cinq pays concernés par les investissements du groupe a marqué une nouvelle étape dans la tentative des petits paysans de défendre leurs droits: selon l’ONG française ReAct, « Depuis 2008, les expansions des plantations de la SOCFIN sont continues. Les surfaces en Afrique exploitées par la société sont passées de 87 303 à 108 465 ha entre 2011 et 2014, soit une augmentation de 24% et ce, au détriment des communautés locales ». Selon ces dernières, « Les accords ne sont pas respectés et les terres considérées comme « espace vital » pour les villageois sont accaparées comme les autres ».

Les manifestations lancées fin avril par l’Alliance Internationale des Riverains, avec le blocage des plantations au Cameroun entre le 23 et le 28 avril dernier, puis poursuivies au Liberia, au Cambodge et en Côte d’Ivoire, vont continuer. Partout, les communautés villageoises ont les mêmes revendications : que la SOCFIN leur rétrocède l’usage d’une partie des terres accaparées et qu’elle tienne ses engagements sur les compensations auxquelles les différents accords l’engagent.

SOCFIN

Malgré les nombreuses interpellations et appels à la négociation, les dirigeants de la SOCFIN sont restés muets. D’où l’idée d’interpeller directement les actionnaires à l’occasion de l’AG de la société, le 27 mai dernier à Luxembourg. Une semaine plus tard, le 4 juin en région parisienne, des militants se sont symboliquement « accaparé » la pelouse du siège social du groupe BOLLORE à l’occasion de son AG : « Nous n’avons plus de terres au pays, alors on plante le manioc sur votre pelouse ».

Une délégation a été reçue et de nouvelles promesses ont été faites par les instances dirigeants : «Nous allons peser tout faire pour que la SOCFIN soit autour de la table pour une nouvelle négociation internationale cet automne avec les représentants des communautés des différents pays». Les responsables du groupe ont reconnu que les promesses passées ne se sont pas toutes traduites dans les faits et se sont engagés à lancer une expertise indépendante sur les conflits fonciers dans les plantations.

Là-bas se comptent les pertes, ici les profits

 » BOLLORE encaisse les dividendes de la SOCFIN tout en récusant sa responsabilité », se lamente Emmanuel Elong, porte-parole de l’Alliance des Riverains.

Le rapport annuel de SOCFIN fait état d’un bénéfice consolidé de 100 millions EUR, sans rien révéler des pertes ni des dépenses ; en 2014, 37,3 millions EUR de dividendes ont été distribués aux actionnaires de la SOCFIN et 11,5 million au Conseil d’administration (dont MM. Vincent Bolloré and Hubert Fabri, responsable de la partie plantation du groupe).

Une récente étude d’EURODAD a, quant à elle, établi que la SOCFIN et le groupe BOLLORE sont « des compagnies qui ont recours à l’optimisation fiscale avec des pays en développement », notamment grâce aux « tax ruling » signés avec l’Etat luxembourgeois, avantage qui s’ajoute au statut fiscal des sociétés de droit luxembourgeois SOPARFI (Société de Participations Financières) exonérant l’intégralité des dividendes touchés par les actionnaires !
Pendant ce temps, Hubert Fabri est poursuivi par la justice belge pour évasion fiscale, blanchiment et faux. Le procès doit s’ouvrir en novembre. Une deuxième enquête est ouverte pour faits de corruption..

La SOCFIN est un exemple emblématique de sociétés incarnant un capitalisme financier socialement et environnementalement irresponsable. Le 27 mai dernier devant l’AG de la SOCFIN, SOS Faim réclamait « une redevabilité en matière de droits humains et de gestion durable de l’environnement » : la SOCFIN devra non seulement désormais compter avec la résistance des mouvements paysans des pays où elle mène ses activités, mais aussi avec les ONG des pays du Nord solidaires de ces mouvements!

Marine Lefebvre